(A 25 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
Le testament d’un moine-curé à Rosheim a créé un imbroglio juridique inextricable.
À cette époque, c’est l’abbé du monastère cistercien de Haute-Seille, en Lorraine, qui nomme le curé de la paroisse Saints-Pierre-et-Paul à Rosheim. En 1685, il choisit Dom Bouard. L’abbé de Lucelle donne son accord. Mais toujours à condition que le moine réintègre son abbaye si on le rappelle. Or il n’y retournera pas, car il s’avère si bon curé que nul ne songe à lui faire quitter Rosheim.
On l’enterre au milieu du chœur de son église
En 1708, il tombe malade et se croit au bord de la tombe. Il veut laisser à sa nièce Marianne, des vignes et des terres qu’il a acquises avec son « bénéfice » et obtient de l’évêque de Strasbourg l’autorisation de faire un testament.
Mais il guérit. Il apprend alors que ce document est sans valeur, vu son statut, et il se tourne vers l’abbé de Lucelle, qui lui permet, en mai 1721, de disposer de son pécule.
Le 30 octobre 1721, Dom Bouart signe son dernier acte paroissial. Deux jours plus tard, il est foudroyé par une attaque d’apoplexie. On l’enterre au milieu du chœur de son église, au pied du maître-autel. Et l’imbroglio de la succession commence.
Car l’abbé de Haute-Seille revendique pour son abbaye les biens acquis par Dom Bouard en tant que curé, puisque la paroisse dépend de lui. Débouté, il fait appel devant le Conseil Souverain d’Alsace. Mais l’époux de Marianne proteste, et il a l’abbé de Lucelle de son côté : ou bien on fait valoir les documents signés avant la permission de celui-ci, ou bien on considère la nièce comme héritière « ab intestat ».
L’avocat de Haute-Seille argüe du fait que, le fonds appartenant à l’abbaye lorraine, ce qu’il a produit doit lui revenir. L’avocat de Lucelle, lui, objecte que le moine est sorti de son monastère d’origine à la condition expresse d’y revenir sur demande ; tout ce qui est à lui est donc à l’abbaye alsacienne.
Casse-tête pour l’avocat général ! D’abord, comment transmettre la « cotte morte », c’est-à-dire le pécule d’un moine décédé, à des laïcs ? Mais comment donner à Lucelle un bien acquis à partir du patrimoine de Haute-Seille ? Et comment attribuer à Haute-Seille ce qui est à un moine d’une autre abbaye ? La question se complique encore sur le plan politique parce que la Lorraine ne fait pas encore partie du royaume de France. La solution, pour l’avocat général, ce serait de tout vendre et de le distribuer aux pauvres de Rosheim. Assez logique !
Finalement, les parties trouveront un accord, mais la question de droit restera à jamais insoluble.