Alerte dans les bois d’Ottrott et de Saint-Nabor

(A 25 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

En 1848, la forêt fait les frais du mécontentement populaire. De Wasselonne à Barr, la disette fait rage. Les paysans se vengent alors sur les arbres.

Les années 1840 sont dures à vivre pour les petites gens. La crise des subsistances devient de plus en plus aiguë. Les paysans qui apportent leurs produits au marché, dans certaines villes, sont exposés à des violences de la part de gens qui ne savent plus comment trouver à manger. En février 1847, on assiste à une véritable émeute de femmes à Rosheim : elles se ruent sur les campagnards venus vendre leurs pommes de terre, au point que ceux-ci croient devoir chercher leur salut dans la fuite, laissant derrière eux leurs hottes et leurs sacs livrés au pillage.

Le torchon brûle entre les paysans et l’administration forestière

À Barr et à Wasselonne, on assiste à des scènes assez semblables. Une récolte de blé meilleure, en 1848, permettra par endroits une amélioration de la situation, mais les secteurs de cultures pauvres, où on se nourrit surtout de pommes de terre, justement, resteront exposés à la disette.

En février 1848, l’insurrection parisienne amène la proclamation de la Seconde République. C’est pour beaucoup de citadins et de campagnards, en Alsace et ailleurs, l’étincelle qui fait exploser la révolte. Celle-ci se manifeste en de nombreux endroits par des déprédations forestières. Il faut dire que, depuis longtemps, le torchon brûle entre les paysans et l’administration forestière, qu’ils accusent d’empiéter sur leurs droits coutumiers et de reboiser à outrance. Il convient d’ajouter aussi que, en période de disette, plus d’un a bravé règlements et interdictions pour aller couper en forêt du bois qu’il revendait pour pouvoir acheter de la nourriture. Le mouvement gagne en ampleur et surtout en violence à l’avènement de la nouvelle République. Dès les premiers jours de mars, il atteint de telles proportions dans le Haut-Rhin qu’on y envoie des soldats, entre autres des lanciers de Sélestat, pour rétablir l’ordre. Ou, du moins, pour tenter de le rétablir.

Le 4 mars 1848, l’Inspecteur des Forêts de la circonscription de Barr fait savoir au sous-préfet de Sélestat que « les populations de Saint-Nabor et d’Ottrott le Haut se portent, par bandes nombreuses et en partie armées, dans les forêts domaniales et communales situées sur le territoire de ces communes, et y causent à force ouverte, les plus grandes dévastations ». Les gardes forestiers et les gendarmes n’ont pas suffi pour les en empêcher. On a donc envoyé sur Saint-Nabor une trentaine de soldats d’infanterie « destinés à prêter main-forte pour le rétablissement de l’ordre ». Mais les dégâts se poursuivent. La Préfecture demande donc au général qui gouverne la place de Sélestat de faire rentrer les troupes de ligne et les lanciers partis pour le Haut-Rhin. Simultanément, on décide de révoquer les maires des deux communes, coupables « d’incurie ».

Une manière pour la Préfecture de montrer de quel bois elle se chauffe ?

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 31/07/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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