Celui qui fit de Bœrsch une ville

La différence entre « ville » et « village », au Moyen Âge, n’est pas une question de dimensions, mais de droits.

Au début du XIVe siècle, Bœrsch ne se distingue guère d’autres localités villageoises, que rien ne protège vraiment contre l’irruption de la soldatesque ou des brigands et qui cherchent éventuellement une sécurité illusoire derrière une palissade.

Or, à cette époque, le village appartient à l’évêque de Strasbourg. En 1328, le pape a placé sur le siège épiscopal Berthold de Bucheck, ce qui constitue une entorse aux usages : normalement, ce sont les chanoines du Grand Chapitre de la cathédrale qui élisent l’un des leurs comme évêque et même le pape n’est pas censé s’en mêler. Eux, ils ont désigné Gebhard de Fribourg, leur Grand Prévôt, et l’ingérence pontificale leur semble intolérable.

Des moyens militaires impressionnants

Malheureusement pour eux, Berthold de Bucheck a les moyens de faire pression. N’est-il pas Grand Commandeur des Chevaliers Teutoniques pour leur bailliage de Souabe-Alsace-Bourgogne ? Cela implique non seulement une richesse considérable, mais aussi des moyens militaires impressionnants. Les chanoines finissent par céder et, pour bien montrer qu’on ne plaisante pas avec lui, il est accompagné de 600 chevaliers de son Ordre lorsqu’il entre à Strasbourg en décembre 1328.

S’il ne mène pas la vie d’un mystique, il prétend toutefois donner un sérieux tour de vis à ses clercs dans le sens de la discipline, ce qui, on s’en doute, ne lui attire pas que des amitiés. En 1437, un des rares chanoines qui l’avaient soutenu, Conrad de Kirkel, se retourne contre lui et le fait kidnapper, alors qu’il passe la nuit à Haslach, puis le tient prisonnier pendant presque quatre mois dans son château, jusqu’à ce qu’il accepte de transiger avec le Grand Chapitre. L’affaire ne trouvera réellement d’épilogue qu’au bout de deux ans.

Et voilà que, en 1340, Berthold de Bucheck s’intéresse à Bœrsch. Il érige la localité au rang de ville, ce qui lui donne un certain nombre de droits, dont celui de construire des remparts.

Un bûcher dressé dans leur propre cimetière

Mais les fortifications sont impuissantes contre la peste. L’épiscopat de Berthold de Bucheck est marqué par le déferlement de la « mort noire » en 1349. Combien de victimes aura-t-elle fait à Bœrsch ? Dans beaucoup d’endroits, on accuse les juifs d’avoir empoisonné les puits et cela mène à de terribles pogromes. Le plus horrible se produit à Strasbourg, où 2 000 d’entre eux périssent sur un bûcher dressé dans leur propre cimetière le jour de la Saint-Valentin. On accuse l’évêque d’y avoir « participé activement », il est plus honnête de dire qu’il n’a rien fait pour l’empêcher. Néanmoins, son hostilité envers les juifs s’est manifestée clairement plusieurs fois !

Berthold meurt en 1353 à Molsheim, le jour de la Sainte-Catherine, anniversaire à la fois de sa naissance et de son ordination, et est enterré à la cathédrale, dans la chapelle Sainte-Catherine qu’il avait fait construire.

D’après Marie-Thérèse Fisher, paru le 25  évrier 2015 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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