(A 50 mn. de l’Ermitage du Rebberg)
L’histoire de cette prébende jette une lumière inattendue sur les relations interconfessionnelles de jadis.
Après-demain, Vendredi-Saint, s’il y avait encore des Prémontrés au Mont Sainte-Odile, ils feraient ensemble une procession autour de la Chapelle de la Croix, comme ils en avaient l’habitude chaque année au XVIIIe siècle. Le reste du temps, on s’en doute, cette chapelle était vouée à la méditation sur la Passion du Christ.
Etait-elle sous le vocable de la Sainte-Croix depuis sa construction au XIIe siècle ? On ne saurait le dire. En tout cas, en 1230, le noble Egenolf de Mundingen cède à l’abbaye de Hohenbourg ses biens de Bolsenheim et d’Uttenheim pour assurer la prébende d’un prêtre qui célébrera chaque jour la messe « à l’autel de la Croix ». Le fondateur de cette prébende présente l’ecclésiastique de son choix à l’abbesse qui le confirme dans sa charge de chapelain.
Au XVIe siècle, le droit des Mundingen relatif à la chapellenie de la Croix est détenu par les héritiers
Normalement, le bénéficiaire de la prébende est astreint à résidence. Plus d’un, à travers les siècles, va essayer de se soustraire à cette obligation. Ainsi, en 1431, l’abbesse Clara de Lutzelbourg a maille à partir avec un certain Jean, dit Knopfe, qui a pris des libertés avec le règlement.
Au XVIe siècle, le droit des Mundingen relatif à la chapellenie de la Croix est détenu par leurs héritiers, les Joham (et non Johann !) de Mundolsheim. Or, ceux-ci embrassent la Réforme. On s’attendrait à ce que la chapellenie soit supprimée. Que non !
Après l’incendie de 1546, Hohenbourg devient propriété de l’évêque de Strasbourg. En 1564, le chapelain en titre, Grégoire d’Ossenberg, démissionne en faveur de son frère Henri. Il se rend donc chez messire Théobald Joham de Mundolsheim et ses frères, tous protestants, et le leur présente. Eux, à leur tour, le présentent à l’évêque Erasme de Limbourg qui l’accepte. De l’œcuménisme avant la lettre ?
La situation se corse en 1593. C’est l’époque où le protestant Jean-Georges de Brandebourg et le catholique Charles de Lorraine, chacun élu par une partie du Grand Chapitre de la Cathédrale, se disputent le siège épiscopal de Strasbourg. Le sire Joham de Mundolsheim présente comme chapelain son propre fils Philippe. A qui ? A Jean-Georges de Brandebourg, bien sûr, qui n’a garde de refuser. Voilà un personnage payé, en principe, pour dire la messe, mais qui ne le peut pas, étant luthérien. Payé ? En fait, non, Bolsenheim et Uttenheim étant occupés par les soldats de Charles de Lorraine ! Philippe se retire en 1598.
Enfin, en 1661, Philippe-Conrad Joham de Mundolsheim unit à perpétuité aux Prémontrés du Mont Sainte-Odile les revenus de la chapellenie… à condition qu’ils y célébreront régulièrement la messe « selon l’intention des Fondateurs ». Respecter la volonté des ancêtres par-delà le changement de confession, voilà qui n’est pas commun !