Corruption à Blienschwiller ?

(A 40 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Une histoire de « pot-de-vin » (au propre comme au figuré) où il est bien difficile de distinguer le vrai du faux !

Si certains conscrits avaient une âme de volontaires, d’autres ne souhaitaient qu’une chose : rester chez eux. Et bon nombre de pères étaient prêts à tout pour garder leur progéniture à l’atelier familial, à la ferme ou à la boutique. On a vu se développer une foule de « rites » censés assurer le tirage d’un « bon numéro ». Les riches pouvaient éventuellement se payer un « remplaçant » qui parte à leur place, car peu importait à l’administration l’identité des recrues, pourvu que le nombre y soit. La solution extrême était l’automutilation qui rendait inapte au service armé ! Parfois, le père tentait de « graisser la patte » à un personnage en place pour faire réformer le fils. Est-ce ce qui s’est passé à Blienschwiller sous la Restauration ?

Un coup monté pour déconsidérer des hommes fidèles au roi

 

Au printemps 1822, le jeune Steinbach tire le n°48. Il devrait donc partir. Mais il ne part pas… Le 13 novembre suivant, le sous-préfet de Sélestat reçoit un courrier par lequel on lui communique une information : l’ex-maire de Blienschwiller, Schaeffer, aurait proposé au père Steinbach d’obtenir que son fils soit réformé, en échange de quatre mesures de vin. Le jeune ayant effectivement été libéré, le maire de Hilsenheim, Hurstel, serait venu avec un attelage pour charger le vin en question en vue de le livrer à Schaeffer.

Deux jours plus tard, Schaeffer doit se présenter devant le sous-préfet. Evidemment, il nie tout en bloc. Le 16 novembre, le sous-préfet interroge Hurstel, qui affirme n’avoir rien à voir dans tout cela. Le 18, enfin, il fait venir Steinbach. Celui-ci prétend n’y voir « qu’une invention, de la méchanceté et de la calomnie », car, de toute façon, il n’avait pas besoin de soudoyer quiconque, « la constitution débile de son fils lui ayant assuré sa réforme ». Pas de pot-de-vin, donc ?

D’où vient alors que, le 7 décembre, Steinbach fait une déclaration diamétralement opposée ? Oui, Schaeffer lui a proposé le marché. Oui, Hurstel a cherché le vin, et même 32 litres de plus que prévu. Des témoins attestent que Steinbach s’en est plaint plusieurs fois devant eux. Néanmoins, il ressort de ses propos que, début novembre, Schaeffer lui a tout de même payé la livraison. Et le vigneron évoque aussi sa convocation devant le sous-préfet, qui lui aurait dit que, s’il était prouvé que son fils avait été libéré moyennant présents, il devrait partir à l’armée. Mais le vin payé n’est plus un pot-de-vin, n’est-ce pas ?

Curieusement, Steinbach refuse de signer ses propos du 7 décembre, prétextant qu’il a déjà signé à Sélestat… Le sous- préfet, lui, se met à voir dans toute cette affaire un coup monté pour déconsidérer des hommes fidèles au roi… et la banale histoire de corruption finit par enfler aux dimensions d’un complot politique.

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 02/10/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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