De la fabrique au ministère

(A 30 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

La vie de Jean-Georges Humann, Strasbourgeois de naissance qui acquit le château de Kolbsheim, offre un exemple d’ascension sociale surprenant.

Papa Humann était employé municipal, ce qui ne représentait pas un salaire énorme à la fin du XVIIIe siècle. Comme il faut bien contribuer à faire bouillir la marmite quand on est devenu grand, le jeune Jean-Georges, une fois arrivé à 14 ans, est allé faire son apprentissage dans une fabrique de tabac. Ceux qui le voyaient parti pour mener toute sa vie l’existence d’un modeste ouvrier se trompaient lourdement.

Assez vite, il quitte le tabac pour l’épicerie, puis se tourne vers d’autres activités en lien avec le commerce. Vers la trentaine, sous l’Empire, on le retrouve négociant en produits coloniaux ! Il vaut peut-être mieux ne pas insister sur les moyens par lesquels sa fortune se met à grimper. C’est que l’arrière-plan international de l’époque fait naître un peu partout contrebande et spéculation. Et le voici qui tient son rang parmi les bourgeois les plus riches de Strasbourg, sa ville natale.

Le premier Alsacien à qui on a confié un ministère en France !

Les changements de régime politiques n’affectent guère sa position. Au contraire, c’est un personnage de plus en plus important sous la Restauration. On n’en finirait pas d’énumérer les entreprises commerciales ou industrielles dans lesquelles il investit des capitaux, même hors d’Alsace. Qu’il suffise d’évoquer sa contribution à l’achèvement du canal Monsieur. Celui-ci avait été projeté sous l’Ancien Régime et commencé sous l’Empire où on l’appelait canal Napoléon. Les travaux, interrompus quelque temps, reprennent sous la Restauration, mais évidemment, le nom change et s’il devient canal Monsieur, c’est que cela désigne par tradition le frère du roi. Aujourd’hui, de façon plus neutre, c’est le canal du Rhône au Rhin.

Humann ne reste pas une simple célébrité locale, ni même régionale. N’est-il pas, en 1828, élu député dans l’Aveyron, après l’avoir déjà été en Alsace ?

Nouveau changement de régime : en 1830 commence la Monarchie de Juillet. Peut-être le triomphe de Humann… Car il devient ministre des Finances et le restera jusqu’à sa mort en 1842. Précisons : le premier Alsacien à qui on a confié un ministère en France ! Il est évident que, dans ce rôle, il ne s’est pas fait que des amis. Certaines de ses mesures ont même provoqué des émeutes.

Tel est l’homme qui, en 1843, a acheté le château de Kolbsheim, auquel il a ajouté par la suite une aile sud. Il est permis de l’imaginer là, avec son fils Théodore, qui a également fait parler de lui. Il n’y a pas lieu de s’étonner que Humann père ait initié ce dernier à la finance et à la politique. Receveur général du Bas-Rhin, il a été élu député en 1846. Mais on se souvient peut-être surtout de Théodore pour une autre raison : il était maire de Strasbourg lors du siège de 1870. A ce moment, il aurait sûrement préféré se trouver dans sa demeure de Kolbsheim !

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 21/08/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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