(A 40 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
Pour une famille de Bohémiens, la frontière s’est transformée en souricière.
De même, on peut se demander comment ces gens avaient franchi la frontière qui coupait en deux, depuis 1871, le canton de Saâles, la partie restée en France devenant le canton de Provenchères. Avaient-ils emprunté, pour gravir le col, une voie forestière peu surveillée ?
En tout cas, la roulotte bâchée est repérée à Saint-Blaise-la-Roche, où l’on trouve ses occupants indésirables. Les gendarmes les reconduisent vers la frontière.
Aucune administration n’est disposée à accepter la famille
Les Bohémiens se dirigent donc vers Nouveau-Saâles où ils sont stoppés par les douaniers français.
De part et d’autre de la ligne de crête, on éprouve alors la même méfiance à l’égard de ceux que nous appelons « les gens du voyage » et apparemment, ils n’ont pas de papiers.
De surcroît, comme on les a vus venir d’Alsace, ils sont ipso facto suspects : pour un très grand nombre de Français, à l’époque, l’Alsace est une pépinière d’espions à la solde de la Prusse. Les douaniers, conformément aux instructions, renvoient la roulotte vers leurs collègues allemands… qui ne la laissent évidemment pas passer.
Il faut pourtant bien trouver moyen de s’arrêter quelque part, on ne peut pas indéfiniment faire le va-et-vient entre les deux postes de douane !
Les Bohémiens finissent par placer la roulotte à cheval sur la ligne de frontière, une moitié en France, l’autre en Allemagne. De cette façon, on ne peut pas dire qu’ils soient entrés sur l’un ou l’autre territoire, puisqu’ils ne sont entièrement sortis d’aucun des deux. Et la vie s’organise.
La commune de Saâles leur fournit de quoi manger. Évidemment, cette situation ne saurait durer, mais aucune administration n’est disposée à accepter la famille sur le sol national.
Or la belle saison tire à sa fin. Septembre amène des pluies telles qu’elles finissent par traverser la bâche de la roulotte, où il ne reste probablement plus un fil de sec au bout de quelques jours. Les enfants font pitié. Comment mettre la famille à l’abri ?
Autorisés par les Allemands à attendre les beaux jours
À Saâles, les gendarmes allemands ont une idée : caser les hommes dans leur prison, tandis que les femmes et les enfants trouveraient refuge dans une ferme du Hang. Mais il semble qu’ils aient besoin pour cela de l’accord de leurs homologues français qui, en l’absence de toute instruction, n’osent pas trancher.
Finalement, les autorités allemandes autorisent la famille à séjourner provisoirement à Saâles pour attendre les beaux jours. D’ici là, la situation pourra se dénouer !