Des pommes, des poires… et une amende

(A 30 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Sous la Restauration, on ne plaisantait pas avec les chapardeurs de fruits !

Quel est le point commun entre la veuve Schmitt, le journalier Vogel, Élisabeth Meyer, tous trois de Westhoffen, le tonnelier Riehl de Wangen et le vigneron Salomon de Dangolsheim ? Le délit qui les a menés en 1823 devant le tribunal.

En fait, ils ne l’ont pas tous commis personnellement. Mais des parents doivent répondre devant le juge des actes de leur progéniture mineure : la veuve pour sa fille, le tonnelier et le journalier pour leurs fils, dont l’âge n’est pas précisé.

En tout cas, dans les cinq affaires jugées le 25 septembre, il s’agit de fruits chipés à l’arbre d’autrui. Selon la loi, les délinquants devraient être condamnés « à 5 francs d’amende et aux dépens, sauf l’action en dommages et intérêts pour délit rural ». Pour des gens peu fortunés, cela fait cher la pomme !

« Ce n’était que pour éponger sa soif »

La veuve Schmitt avoue que sa fille Élisabeth « a peut-être pris quelques poires ». Mais elle « invoque l’indulgence » en affirmant que « c’est la faim qui l’a poussée ». Même sorte d’argument pour le fils Vogel, surpris en flagrant délit : le père reconnaît qu’« il a pris quelques pommes, mais ce n’était que pour éponger sa soif ». Élisabeth Meyer « dit pour sa défense que la soif fut cause qu’elle a pris et mangé quelques quetsches ».

Laurent Riehl soutient que « c’est la faim qui a forcé son fils à enlever quelques poires ». Adam Salomon, lui, semble ironiser quand il objecte « qu’il n’aurait jamais cru que pour une pomme, on aurait dressé contre lui ledit rapport » !

Le juge de Wasselonne, au fond, n’est pas méchant et se contente de la sanction minimale : 1 franc d’amende et 4 francs de dépens.

Heureusement, toutefois, que tous les délinquants ont consommé les fruits sur place ! Le code en usage à l’époque ne prévoit qu’une peine relativement légère pour « ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli et mangé, sur le lieu même, des fruits appartenant à autrui ». S’ils les avaient emportés, les choses auraient plus mal tourné : on les aurait inculpés de vol.

À noter que l’article 471 du code pénal auquel se réfère le juge en 1823 ne sera abrogé qu’au XXe siècle. Il peut être intéressant de voir que, en 1835, l’article ne concerne pas seulement les fruits et les légumes, mais aussi les cannes à sucre. Des gens consomment-ils alors des cannes à sucre dans les champs ?

De nos jours encore, il est seulement permis de prendre des fruits dans la campagne quand le propriétaire a achevé sa récolte. Car la pomme ou la poire tombées sur son sol lui appartiennent comme « bien meuble ». Et même le plus petit fruit, s’il est suspendu à l’arbre, est un « bien immeuble »… comme une maison !

D’après Marie-Thérèse Fischer,  publié le 06/11/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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