Des « travaux » et des « travails »

(A 25 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Il y a longtemps, on aurait été bien surpris d’entendre que « le travail, c’est la santé ». Et pour cause !

Comment s’appelle l’édicule qu’on peut voir à Goxwiller, tout près de la caserne des pompiers ? En allemand, c’est « ein Notstall », en quelque sorte « une étable de fortune ». Il a donc un rapport avec le bétail… En français, c’est moins évident : « un travail ».

La douleur au XIIe siècle

Le mot mérite qu’on s’y arrête, mais, d’abord, voyons à quoi pouvait bien servir cette curieuse structure sans murs, avec des barres coulissantes. Pour cela, revenons au temps où l’agriculture n’était pas encore motorisée et où on employait des animaux de trait. Tout le monde sait qu’un cheval doit être ferré. Et, lui, il peut tenir debout sur trois pattes pendant qu’on s’occupe de la quatrième. Mais pas le bœuf. Pourtant, il faut aussi protéger ses sabots contre l’usure, avec d’autres fers que ceux des chevaux, évidemment, puisque les bovins ont des sabots fendus.

Pour parvenir à ferrer un bœuf, on le faisait entrer dans le « travail » qu’on fermait ensuite avec les barres coulissantes, puis on lui passait sous le ventre des sangles qu’on fixait à la structure. De cette façon, l’animal ne pouvait ni s’enfuir, ni surtout tomber. A vrai dire, on ne se gênait par forcément pour s’y prendre de la même façon avec un cheval. Précisons que beaucoup de « travails » (car on ne dit pas « travaux » dans ce cas) n’ont pas de toit.

Le système existe depuis un millénaire et plus, mais on peut se demander s’il ne comportait pas initialement trois poutres au lieu de quatre, car il s’appelle en bas-latin trepalium. A noter que le même mot désignait un instrument de torture ! C’est pourquoi, au XIIe siècle, le mot « travail » n’était pas synonyme de « boulot » mais de « douleur », de « peine ». Quand on parle de « salle de travail » dans les maternités, on suggère sans le vouloir que l’accouchement ne se fait pas à 100 % « sans douleur » ! Pour les activités que nous appelons « travaux », le latin avait labor , d’où le français « labeur ». Signalons un autre descendant de labor : le « labour », le travail par excellence qui permet l’agriculture.

Faisons un petit détour du côté du verbe. Quand quelque chose « nous travaille », ce n’est jamais très agréable. « Travailler » la terre, la pâte ou le bois consiste généralement à tourmenter quelque peu la matière…

Si « travail » a peu à peu glissé vers le sens actuel, cela donne à penser que nos devanciers trouvaient souvent leur « boulot » pénible. A propos, « boulot » signifiait initialement « bagarre » !

L’histoire des mots, c’est toujours un peu l’histoire des relations de l’homme aux choses et au monde.

D’après Marie-Thérèse Fischer,  publié le 19/02/2014 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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