(A 50 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
Qu’en était-il de l’hébergement et de la restauration des pèlerins avant 1734 ?
Peu avant d’arriver au couvent de Sainte-Odile, la route se faufile entre deux rochers, ce qu’on appelle « la Porte romaine ». C’est dans les parages de cette porte que se dressait, au XVe siècle, une auberge où les pèlerins pouvaient se restaurer et éventuellement dormir.
À vrai dire, malgré l’affluence, les possibilités d’hébergement de cette maison, gérée par le métayer de l’abbaye, n’avaient pas besoin d’être énormes. Beaucoup de gens, comme les excursionnistes d’aujourd’hui, montaient le matin et redescendaient vers le soir. Au pied de la montagne, il ne manquait pas d’auberges. En outre, il existait une structure d’accueil au prieuré de Truttenhausen et une à l’abbaye de Niedermunster, mais elles étaient surtout destinées aux pauvres et aux malades.
Il ne s’agissait tout de même pas d’héberger n’importe qui
Enfin, tous les habitants de la montagne (il y en avait dans des lieux aujourd’hui déserts ou fort peu peuplés) étaient tenus de fournir nourriture et couchage aux pèlerins contre paiement raisonnable ou, s’ils le voulaient, aux mendiants à titre d’aumône.
Il ne s’agissait tout de même pas d’héberger n’importe qui. Le bail du métayer Vogt stipule, en 1577, qu’il ne gardera chez lui aucune personne suspecte, mais qu’il recevra « les pèlerins qui, par zèle ou à cause de leurs peines, visiteront pendant l’année le lieu saint sur la montagne », en leur fournissant à boire et à manger contre un prix, là aussi, raisonnable.
Aux pauvres, il doit faire la charité, d’autant plus qu’il reçoit des biens en nature spécialement pour cela. Certains hôtes restent plusieurs jours chez lui : Johann Schuttenheimer parle, en 1597, d’un aveugle qui a logé chez le métayer le temps d’une neuvaine.
Tout cela n’a pas empêché la naissance de la légende selon laquelle ces bonnes gens, pour passer la nuit au sec sur la montagne, n’avaient pas d’autre solution que de s’entasser dans les chapelles des Anges et des Larmes. Cette idée fausse repose sur une interprétation erronée d’une phrase du prieur Hugues Peltre (1699) : « S’ils séjournent sur la montagne, ils ont coûtume de veiller la nuit dans l’Église ou dans les Chapelles, & d’y chanter alternativement en langue vulgaire les louanges du Seigneur. » De toute évidence, il ne s’agit pas de couchage, mais d’une pratique religieuse répandue dans les lieux de pèlerinage, laquelle n’a pas seulement pour théâtre les chapelles, mais aussi l’église. À vrai dire, les abus n’ont pas manqué, et pas dans le sens du sommeil !
Néanmoins, en 1734, le prieur Réginald Vautrot, pour offrir un accueil à plus de monde, commencera la construction d’une grande hôtellerie, qui sera achevée par un autre prieur, Dionysius Albrecht, en 1738. Nous passons encore aujourd’hui sous son porche pour entrer dans la cour du couvent.