(A 20 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
Il aura fallu plus d’un an à l’administration pour accoucher d’une solution au conflit.
Mais nous sommes sous le Directoire et, depuis le 15 floréal An IV (4 mai 1796), la candidate doit passer un examen d’aptitude avant d’être autorisée à exercer. Ainsi donc, Barbe Gruber, native de Bœrsch, se soumet au règlement et est admise le 20 juillet. Elle se voit déjà sage-femme attitrée de sa commune, pourvue du logement et des émoluments dont jouissait la défunte.
Un vote secret des femmes
Seulement, sur la recommandation du célèbre Silberling, « ancien professeur de l’Art des accouchements » à Strasbourg, l’agent municipal de Bœrsch en propose une autre au vote des femmes : Élisabeth Doderer, qu’elles élisent à l’unanimité et qui quitte alors son domicile strasbourgeois. Il l’installe dans le logement. Barbe proteste, d’autant plus que l’agent municipal s’est justifié devant l’administration par une lettre qu’elle estime calomnieuse à son égard. Elle produit une pétition signée de nombreuses personnes comme attestation de bonnes vie et mœurs.
En novembre 1796, l’agent municipal fait savoir qu’il n’a jamais empêché Barbe d’exercer, puisqu’elle a procédé à plusieurs accouchements, mais que les revenus de la commune ne lui permettent plus de fournir à la sage-femme le bois et l’argent dont bénéficiait l’ancienne. De toute façon, selon lui, les signatures ont été extorquées à des gens qui craignaient des représailles de la part des frères de Barbe, connus pour « tapageurs, turbulents et querelleurs ». On va organiser un vote secret des femmes, qui décidera du nom de la titulaire.
L’« administration municipale du canton d’Oberné extra muros séante à Bœrsch » signale que, effectivement, l’unanimité soutient Élisabeth et qu’on ne peut pas désigner Barbe comme seule matrone, parce qu’elle n’a pas la confiance de la plupart des familles. Puisque Klingenthal et les deux Ottrott n’ont pas de sage-femme habilitée, on pourrait nommer Élisabeth titulaire à Bœrsch et autoriser Barbe à exercer là où on la demande. Le 10 mai 1797, les femmes de Bœrsch envoient deux d’entre elles revendiquer leur droit à choisir elles-mêmes leur sage-femme, elles et non les autorités du Département. Et elles veulent Élisabeth !
L’affaire est riche en rebondissements jusqu’en Thermidor An V (août 1797), où le Département a le dernier mot : Barbe est maintenue dans ses fonctions.
Au fond, les deux sages-femmes se faisaient la guerre pour savoir qui des deux obtiendrait le logement gratuit. En vain : il semble qu’il ait été mis en location au bénéfice des pauvres de l’hospice !
D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 05/06/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.