Son physique et sa personnalité ont fait d’Ottilia Mengus un des personnages mémorables du Mont Sainte-Odile.
Depuis 1546, le Mont Sainte-Odile n’avait plus abrité de communauté religieuse féminine. Lorsque le couvent est redevenu propriété de l’Évêché, en 1853, Mgr Raess a décidé d’y envoyer des Tertiaires Franciscaines de la Congrégation de la Miséricorde, fondée en 1827 par le curé de Jetterswiller pour le pèlerinage de Reinacker.
Le 14 novembre 1853, donc, sept religieuses s’y installent avec leur supérieure, Mère Odile, née Ottilia Mengus, originaire de Lupstein.
« Une joyeuse fée Carabosse »
À vrai dire, depuis 1837, celle-ci était Supérieure générale de la congrégation, mais elle a résigné sa charge pour diriger la communauté du Mont Sainte-Odile, où elle restera jusqu’à sa mort. Notons que ce premier groupe de religieuses n’est pas censé s’occuper seulement de l’accueil des pèlerins et (déjà !) des touristes, mais aussi de travaux agricoles autour du couvent.
En été, la masse de travail promet d’être énorme. Pourquoi Mère Odile est-elle passée dans l’Histoire sous le nom de Frau Mutter (Madame Mère) ? Ce sont des pèlerins badois qui l’ont appelée ainsi et l’usage s’en est généralisé chez les habitués du Mont. Charles Spindler brosse son portrait en une phrase quand il écrit que Frau Mutter, « avec son œil pétillant de malice et son grand nez busqué, avait l’air d’une joyeuse fée Carabosse ».
Cet air malicieux ne l’empêche pas de mener le Mont, selon l’expression biblique, « avec un sceptre de fer ».
Comme les directeurs successifs du pèlerinage, elle veut de l’ordre et de la décence. Elle n’est pas étrangère à la rédaction d’une pancarte qui accueillera encore les visiteurs des décennies après sa mort : « Il y a deux sortes de voyageurs qui sont toujours bienvenus à Sainte-Odile : ce sont d’abord les pieux pèlerins ; ce sont ensuite les personnes qui viennent dans l’intérêt de leur santé.
Une figure populaire
Les uns et les autres trouvent en ces lieux une hospitalité simple, mais qui leur sera offerte de bon cœur. Il y a une troisième classe de visiteurs, heureusement très rare : ce sont les gens qui ne savent pas se conduire et qui sont habitués à ne rien respecter. À ceux-ci nous disons : “Vous n’êtes pas ici à votre place “».
Cela dit, Frau Mutter sait se faire aimer en dépit de ses exigences, qu’elle est capable de modérer. Elle tolère avec bonhomie, par exemple, les facéties pas toujours très subtiles auxquelles se livre à son égard l’artiste Gustave Doré.
Elle devient au fil des ans une figure populaire, qu’on retrouve à travers de multiples récits de voyageurs, même dans un ouvrage anglais.
Or, en 1889, l’Évêché décide de remplacer les Sœurs de Reinacker par des Sœurs de la Croix. Mais Frau Mutter ne partira pas : à 82 ans, elle est autorisée à rester en ce lieu qu’elle aime. Elle y mourra en 1897. Un tableau y gardera le souvenir de son sourire.