(A 20 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
Qu’est-ce qui se cache dans le vieux nom de la rue Fossé-des-Tours ?
Les bourgeois se réunissaient pour des exercices de tir
Commençons par la fin du mot. « Rain », en vieil allemand, désigne un espace couvert d’herbe, qui marque souvent une limite ou une séparation. Ainsi, la bande inculte que, en certaines régions, on laissait subsister entre deux champs, pour qu’on soit sûr que personne n’empiète en labourant sur le terrain du voisin. Dans nos régions, on a aussi appelé « Rain » un pré, surtout avec un talus, à proximité de la ville, en bordure des remparts ou du fossé.
Pourquoi « Schiessrain » ? On y reconnaît le verbe « schiessen », « tirer ». C’est là que les bourgeois se réunissaient pour des exercices de tir, parfois de véritables concours, où pouvaient être conviés ceux d’autres villes. Entendons-nous sur ce qu’était un « bourgeois » : pas forcément quelqu’un qui menait une vie particulièrement cossue, mais un homme qui détenait le « droit de bourgeoisie », qui était citoyen de la ville, avec les devoirs que cela comportait. Entre autres, celui de contribuer à sa défense.
Quand ces braves gens sortaient sur le Schiessrain, chacun avec son arme, ce n’était donc pas simplement pour s’amuser, même s’il y a fort à parier que l’ambiance ne devait pas être triste. L’entraînement au tir constituait une nécessité en des temps où la ville ne pouvait compter que sur ses bourgeois pour se défendre en cas d’attaque ou de siège. Exactement comme, de nos jours, on n’imaginerait pas une unité militaire qui ne s’exercerait pas régulièrement au maniement d’armes. Et il fallait bien placer cette activité « extra muros », pour une question de sécurité.
Bœrsch n’a pas le monopole du toponyme « Schiessrain ». On le trouve sur le cadastre de nombreuses villes, en Alsace, en Suisse, dans le pays de Bade, etc. Sur le « Schiessrain » de Strasbourg s’est déroulée au XVIe siècle la fameuse rencontre avec les Zurichois, qui avaient apporté sur leur bateau une bouillie de mil encore chaude à l’arrivée, pour montrer à quelle vitesse ils pourraient venir secourir leurs amis en temps de guerre. Aujourd’hui, à Strasbourg, on ne parle plus du « Schiessrain », mais il en reste le souvenir dans la « rue des Arquebusiers », le long du parc du Contades qui lui a succédé.
Oui, là où les habitants de la rue Fossé-des-Tours n’entendent de coups de feu qu’à la télévision, là aussi ont tonné jadis des arquebuses.