Le seigneur de Valff marie sa fille

Une clause du contrat rappelle une tradition un peu oubliée.

Le 10 février 1698 est signé le contrat de mariage entre François Antoine Béat, fils de François-Guillaume de Reinach- Foussemagne et de Marie-Jacobée zu Rhein, et Marie Anne Ursule Françoise, fille de Johan Conrad d’Andlau, seigneur de Valff, et de Marie-Catherine zu Rhein. La demoiselle n’a que seize printemps, son futur époux en accuse déjà trente.

La dot d’Anne-Marie s’élève à 1 000 florins

La famille de François-Antoine est installée depuis des siècles dans le Sundgau. Notons que ses terres de Foussemagne font alors partie de l’Alsace, comme tout l’actuel Territoire de Belfort. Elle se divise en plusieurs branches : les Reinach-Foussemagne, les Reinach-Hirtzbach et autres. François-Antoine, lui, sera avec Marie-Anne le fondateur d’une nouvelle « dynastie » : les Reinach-Werth, d’après le nom de son château près de Matzenheim, au cœur d’un fief dont la famille a été investie par l’évêque de Strasbourg en 1656. Cela ne l’empêche pas de posséder encore des biens et des revenus du côté de Foussemagne, particulièrement à Roppe (à 6 km de Belfort).

Voyons maintenant le contrat. La dot d’Anne-Marie s’élève à 1 000 florins provenant de biens à Kingersheim, près de Mulhouse, ainsi que 1 000 reichstaler qui seront versés à la mort de son père. De son côté, François-Antoine doit assurer l’avenir de son épouse, au cas où elle lui survivrait. Il lui assigne donc un douaire de 2000 florins qui consiste en rentes sur des biens sis à Roppe. Le douaire est une sorte d’usufruit garanti à la veuve : si jamais le mari laisse des dettes, les créanciers ne pourront pas toucher à ce revenu. Ce n’est pas tout : elle aura le choix entre l’usage de sa maison ou une rente de 100 florins.

Un cadeau supplémentaire

Et voici une clause à peu près tombée en désuétude de nos jours : la « morgengab (e) ». Littéralement : « le don matinal ». C’est une sorte de cadeau supplémentaire, en argent, en biens, en droits, en bijoux, selon le cas, que le nouveau marié est censé offrir à sa femme au matin suivant la nuit de noce, donc après que l’union a été consommée, condition pour que le mariage soit valide. D’aucuns ont affirmé que c’était une sorte de compensation pour la perte de la virginité. De fait, la morgengabe ne se pratiquait, normalement, que quand la mariée était une jeune fille. Si c’était une veuve qui épousait un célibataire, c’est elle qui offrait la morgengabe à son mari. Dans le cas du contrat Reinach-Andlau, le don consistera en 500 florins provenant de biens sis, cette fois encore, à Roppe. Comme il est d’usage, cette somme appartiendra en propre à la jeune épouse et on ne pourra pas la prendre en compte, par exemple, dans un calcul de succession.

La morgengabe existe toujours çà et là en Allemagne, mais on ne la stipule plus dans les contrats. C’est juste un cadeau gentil entre jeunes époux romantiques. Gageons que l’idée de « compensation pour la perte de la virginité » ne leur vient même pas à l’esprit !

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 21 janvier 2015 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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