Le tête-à-tête retrouvé

(A 50 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Tous deux sont nés la même année : 1696. On les a faits l’un pour l’autre. Pourtant, ils ont été plus longtemps séparés que réunis.

Lors du grand incendie qui a dévasté le couvent du Mont Sainte-Odile en 1684, la chapelle du tombeau a été relativement épargnée. Néanmoins, dans le cadre de la reconstruction, les Prémontrés veulent la mettre, elle aussi, au goût du jour. À ce moment, dans l’angle du petit sanctuaire, se trouve une espèce de coffre en pierre consolidé par des crampons de fer. Les religieux croient que c’est le sarcophage de la sainte. Désireux de lui offrir une sépulture plus décente, ils descellent les crampons, ôtent les plaques de grès… et découvrent le vrai sarcophage, celui que nous voyons encore aujourd’hui. 

Chacune des deux statues a eu un peu sa destinée propre… jusqu’en 2013

Ils ne l’ouvrent pas. Ils ne le pourraient pas, d’ailleurs, car ce n’est pas l’habituelle cuve à couvercle. On le laisse pieusement à sa place et on l’englobe dans le monument qui nous est parvenu, après quatre siècles, considérablement diminué. Celui-ci n’était pas, comme aujourd’hui, ouvert en « façade », mais fermé par une plaque de grès représentant la visite de l’empereur Charles IV en 1354. Pourquoi ? Parce que, à cette occasion, on a tenté pour la première fois d’ouvrir le sarcophage depuis l’inhumation de l’abbesse. Tenté ! Car on n’a pas pu. L’empereur a donc fait découper un petit espace dans le côté et on a retiré ce qui se trouvait juste à portée de la main : l’avant-bras droit d’Odile. Charles IV l’a emporté pour le placer dans l’autel des reliques de sa cathédrale de Prague, où il existe encore. Ce n’est pas vraiment ainsi que le bas-relief montrait la chose, mais le but était de rappeler que la sainte était toujours là !

Le monument était surmonté d’une sorte de baldaquin sous lequel on voyait Odile agenouillée, en larmes, avec un gros mouchoir, désolée de savoir son père tourmenté dans l’au-delà. Mais, en face de l’abbesse éplorée, se dressait déjà l’Ange de la consolation. Le geste de sa main ne se comprend plus depuis qu’il a été déplacé il y a quelque 300 ans : il montrait derrière lui le bas-relief qui, lui, n’a pas bougé et où on découvre Adalric porté au Ciel par les anges. L’ensemble devait rappeler aux pèlerins qu’on invoquait Odile pour le salut des âmes du Purgatoire.

Les Révolutionnaires ont brisé la plaque de façade où figurait un « tyran », l’ange a été mutilé à une date imprécise, relégué à l’extérieur. Au XIXe siècle, il ne restait de tout ce décor qu’Odile toute seule. Le chanoine Schir, trouvant que cela n’avait pas de sens, l’a enlevée.

Depuis, chacune des deux statues a eu un peu sa destinée propre… jusqu’en 2013, où la direction du Mont Sainte-Odile a eu l’heureuse idée de rassembler ce qu’il n’aurait pas fallu désunir. Pas à l’emplacement d’origine, certes. Mais, si on remettait Odile et son ange sur le monument pour lequel on les a faits en 1696, il y aurait des gens pour dire que « ce n’est plus le Mont Sainte-Odile de dans le temps » !

D’après Marie-Thérèse Fischer,  publié le 19/03/2014 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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