Les bourgeois de palissade

(A 25 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Quand on pouvait espérer se rendre libre en respirant l’air de la ville…

Un faubourg n’est pas un « faux bourg ». L’ancien français écrivait « forsborc » ou « fourbour » : le mot désignait ce qui se trouvait « fors le bourg », c’est-à-dire à l’extérieur des remparts. L’espace hors de la ville appartenait encore à la ville et relevait de la même juridiction que l’intérieur de l’enceinte. Du moins jusqu’à une certaine distance.

Or, peu à peu, se sont développées aux portes de l’une ou l’autre cité de petites agglomérations. Assurément, leurs habitants ne bénéficiaient pas de la protection des remparts, du moins au début, mais ils n’étaient pas non plus exposés à toutes les incursions : ils vivaient à l’abri de palissades composées de pieux (Pfähle) hauts et forts. D’où leur nom de « Pfahlbürger », qu’on pourrait traduire littéralement par « bourgeois de palissade ».

Des gens qui fuient la juridiction de leur seigneur

Un « bourgeois » n’était pas forcément ce que nos jeunes appellent « un bourge ». Pour avoir le droit de bourgeoisie, il fallait payer une certaine somme, prêter serment de fidélité à la ville et, en contrepartie des avantages que cela apportait, s’acquitter des charges et devoirs que cela impliquait. Encore fallait-il être admis à postuler ce droit. Et il était retiré à quiconque s’en avérait indigne. Les « Pfahlbürger » n’avaient pas tout à fait le même statut que les bourgeois de vieille souche ; il faut avouer aussi qu’ils payaient moins cher !

Obernai, en 1323, a reçu de l’empereur Louis IV le droit d’admettre des « Pfahlbürger ». Ce droit est renouvelé par l’empereur Charles IV en 1347. Pour la ville, c’est intéressant : un apport de population assure une force militaire accrue et plus d’argent pour la caisse de la cité.

Mais qui sont les « Pfahlbürger » ? Très souvent, des gens qui fuient la juridiction de leur seigneur. Un adage célèbre dit que « Stadtluft macht frei » («l’air de la ville affranchit »), mais la liberté n’est pas immédiate : elle n’est acquise que si, au bout d’un an et un jour, le seigneur n’a pas remis la main sur son ancien sujet. Et encore !

Ainsi, des habitants de localités épiscopales se sont installés aux portes de Rosheim et d’Obernai. L’évêque Jean de Lichtenberg finit par se fâcher et, en 1358, entre en conflit sérieux avec les deux villes. En l’occurrence, il rançonne des bourgeois et confisque leurs biens meubles dès qu’il le peut. Une conférence entre des délégués des deux partis à Strasbourg mène à une trêve : l’évêque rend les bourgeois et leurs biens, tandis que les villes s’engagent à ne plus accepter de « Pfahlbürger » jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste de 1359.

Le faubourg des « Pfahlbürger » d’Obernai finira par être fortifié comme le reste de la ville, mais gardera son nom de « Vorstadt », qui est aujourd’hui celui d’un arrêt de bus.

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 30/04/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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