Elle signe le second tome de son Destin des Durckheim : à travers les aléas d’une dynastie portée par le vent de l’histoire, la romancière Élisabeth Jaeger-Wolff fait entendre l’écho passionnant des siècles en Basse Alsace.
Elle avait, dans le précédent volume, mis en lumière l’implantation en Basse Alsace des chevaliers Eckbrecht von Durckheim, originaires du Palatinat et qui portaient sur cette terre, de l’autre côté du Rhin, un regard envieux. La création de la Seigneurie de Schoeneck s’y effectuait dans le contexte d’un Moyen Âge perturbé par les guerres privées, les luttes d’influence de seigneurs belliqueux, avant que ne surgissent les querelles religieuses et les aspirations de la paysannerie à plus de liberté, tout cela augmentant encore le fracas de l’histoire.
On sait que la greffe palatine en Basse Alsace prendra, et que bien plus tard, Froeschwiller en deviendra l’épicentre. Avec ses « deux arcs de gueules sans cordes, posés en pal et adossés », le blason des Durckheim imposera le respect dans cette région ouverte à tous les appétits féodaux.
Deux tiers d’histoire, un tiers d’imagination
La Guerre de Trente Ans avait clos le premier volet du Destin des Durckheim , qu’Élisabeth Jaeger-Wolff avait fait paraître en 2011. Le second tome, qui court de 1648 à 1935, en est encore plus volumineux, à la mesure de l’intérêt suscité par cette famille sur laquelle la romancière s’est penchée avec l’attention et la patience d’une historienne, explorant différents fonds d’archives publiques – Spire, Karlsruhe, Haguenau…
« Même s’il s’agit d’un roman, on peut considérer que 70 % du contenu est vérifié historiquement, et que 30 % relève de mon invention », assure-t-elle, confiant combien son intérêt pour le passé conditionne son activité de romancière. Et d’ajouter : « Les Durckheim sont la plus ancienne famille du Palatinat dont on puisse encore consulter aujourd’hui les archives. C’est passionnant ! »
En circulant dans ce récit pimenté d’une sombre vengeance, le lecteur fait assez bien la part des choses entre, sinon le véridique, du moins le vraisemblable et ce qui constitue une trame purement romancée.
Avec son écriture fluide et sa capacité à donner chair à ses personnages, Élisabeth Jaeger-Wolff signe une saga familiale qui livre en creux les principales pages de l’histoire de l’Alsace, ou du moins le nord de notre région – d’une certaine façon, le principal sujet qui accompagne tout du long la dynastie des Durckheim.
De l’inflexible Wolfgang Friedrich Eckbrecht de Durckheim (1622-1698), fidèle à l’Empire et hostile à la France dans le giron de laquelle l’Alsace et Strasbourg vont finalement basculer, à Albert, « le dernier comte », qui traversera deux guerres franco-allemandes avant de s’éteindre quelques années avant que n’en éclate une nouvelle, Élisabeth Jaeger-Wolff sait imprimer un rythme, faire sentir les vibrations de l’histoire, rendre crédibles des situations, donner corps à des personnages…
Un registre qui lui avait déjà valu quelques beaux succès éditoriaux comme Le passé en héritage ou Terre d’Alsace, rêve d’Amérique et Étrangers et voyageurs. C’est d’ailleurs afin de porter ses différents projets littéraires que l’auteur a créé, à Niederbronn-les-Bains, sa propre microsociété d’édition, EJW. Dont elle dit qu’elle se porte très bien. Ce qui n’a rien d’étonnant : en une décennie, Élisabeth Jaeger-Wolff a su s’attacher un lectorat fidèle.
Le Destin des Durckheim. La dynastie, par Élisabeth Jaeger-Wolff, aux éditions EJW, 511 pages, 23,50 €.