(A 20 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
On les appellera des « volontaires », mais ils ne l’étaient guère.
En avril 1792, l’Assemblée Nationale a déclaré la guerre à l’empereur François II, neveu de Marie-Antoinette. En août, une armée composée d’Autrichiens, de Prussiens et de Hessois, auxquels se sont joints des aristocrates émigrés, pénètre jusqu’en Champagne.
La bataille de Valmy, le 20 septembre 1792, arrête son avancée et, dans l’euphorie de la victoire, la République française est proclamée le lendemain. L’Assemblée se donne pour mission de « libérer les autres peuples du joug de leurs tyrans ». Il s’ensuit un certain nombre d’annexions et d’occupations à travers l’Europe : Nice, la Savoie, etc.
Le 1er février 1793, la France déclare la guerre à la Grande-Bretagne et aux Provinces-Unies. Voici que se forme contre la jeune République la Première Coalition, rassemblant l’Autriche, la Prusse, la Russie, la Grande-Bretagne, l’Espagne, le royaume de Piémont-Sardaigne et celui de Deux-Siciles.
Cela fait beaucoup d’adversaires ! Qu’à cela ne tienne : tous ces soldats-là sont des mercenaires, ou à peu près, on va leur opposer l’élan des volontaires républicains, « défenseurs de la patrie » et « porteurs de liberté ».
Énormément de registres restent vides
Le 24 février, la Convention décrète la levée de 300 000 hommes. Des registres sont ouverts dans les mairies pour recueillir les inscriptions des volontaires. C’est un échec. Énormément de registres restent vides. Aussi, le 10 mars, enjoint-on aux communes de procéder à un tirage au sort pour un nombre déterminé de « volontaires » calculé d’après leur chiffre de population.
Rothau, par exemple, doit fournir trois hommes. On soumet au suffrage des citoyens la procédure à adopter pour les désigner.
Seuls entrent en ligne de compte les garçons « en état de porter les armes, depuis l’âge de 18 ans jusqu’à 40 ».
On pourrait aussi englober les veufs sans enfants, mais il n’y en a pas à Rothau. On rassemble donc les 27 célibataires concernés.
On commence par leur faire sortir d’un vase un numéro et on les aligne de 1 à 27, selon ce qu’ils ont tiré. Après quoi on leur tend, dans l’ordre, un chapeau où on a placé 27 billes et l’un après l’autre en prend une au hasard.
Le premier de la file, George Nidselme (en fait, Nidschelm), est aussi celui qui « a perdu le premier au sort ». Puis le n° 7, Sébastien Docremont. On imagine le suspense pour les suivants, puisque la troisième bille n’apparaît qu’au n° 26, François Bolle. Évidemment, on ne fait plus tirer le dernier « garçon » !
Quelque temps plus tard, la manière dont le procès-verbal présente les choses aurait pu s’avérer dangereuse pour le maire et le greffier de Rothau. Dire que les hommes désignés pour « défendre la patrie et la liberté » ont « perdu au sort » ! On dirait aujourd’hui que ce n’est pas « politiquement correct ».