L’oiselle envolée

(A 20 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

À Molsheim, une sonnerie funèbre a eu des conséquences inattendues.

Le brigadier de gendarmerie ne sait pas le prénom de la jeune femme qui a été arrêtée à Dahlenheim. Bizarre… Ne l’a-t-on pas interrogée pour établir son identité ? Car on connaît tout de même son nom de famille, Gross, son lieu de naissance, Stutzheim, et le patron chez qui elle a été servante, le maçon Lieber. Qu’a-t-elle volé et chez qui ? Ce n’est pas là l’objet du rapport que le brigadier Wintzweiller rédige, dans l’après-midi du 21 mai 1856, non sans une certaine perplexité, puisqu’il en oublie d’y joindre un document important !

Ernwein veut donner de l’air à la jeune femme

Voici les faits. Le 19 mai, pendant que toute la brigade de gendarmerie était à Strasbourg pour se faire inspecter par son colonel, la voleuse a été conduite « dans la prison de Molsheim pour être amenée devant M. le Procureur impérial de Strasbourg ». Or, ce jour-là, il a fallu, à l’occasion d’un décès, sonner « la cloche suspendue dans la tour située au-dessus de la porte de Molsheim dans laquelle se trouvent situées les prisons ». Apparemment, il faut être à deux, puisque le geôlier Joseph Ernwein et le tonnelier Ignace Reiss montent ensemble pour cela. Leur sonnerie achevée, Ernwein, charitable, veut « donner de l’air » à la jeune femme. Il ouvre la porte de la prison, mais « laisse enfermé [e] dans le grenier du clocher ladite prisonnière en ayant soin de fermer la porte du bas de ce bâtiment de manière qu’il n’aurait eu aucun danger d’évasion ».

À peine rentré chez lui, le geôlier voit arriver le tonnelier : celui-ci, en sonnant la cloche, a perdu une pièce de 10 centimes qui est tombée de sa poche ; il voudrait la clé pour pouvoir la chercher dans le grenier. Justement là où est enfermée la voleuse… Bien sûr, Ernwein lui recommande instamment de bien fermer la porte, pour éviter toute évasion. Reiss s’en va, monte dans la tour, y reste « quelque temps », puis revient rendre la clé.

Un quart d’heure plus tard, le geôlier est censé apporter le repas à la prisonnière. Il entre donc dans la tour avec une soupe… mais ne trouve plus personne pour la manger. Il alerte la gendarmerie, se met lui-même en chasse de la fugitive, mais, deux jours plus tard, le brigadier constate : « Malgré nos recherches, malgré les courses faites par Ernwein, on ignore encore où elle est allée. » On donne son signalement : « âgée d’environ 22 ans, taille d’1,60m, cheveux et sourcils bruns foncé, corpulence assez forte, mal vêtu [e] »…

En fait, « il est certain que Reiss a facilité l’évasion à ladite accusée par les moyens ci-dessus indiqués ». Mais le pauvre Wintzweiller ajoute : « Nous ignorons pour quelle cause. » Là, on a envie de sourire… Ne se croirait-on pas dans une opérette ?

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 18/12/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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