L’ossuaire, une autre « dernière demeure »

(A Valff, a 25 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Les ossuaires fascinent les uns, épouvantent les autres, mais témoignent d’un temps où on vivait en proximité avec les défunts.

De nos jours, si on n’a plus assez de place pour de nouvelles inhumations dans un cimetière, on en crée un autre, ailleurs. Au Moyen-Âge, on tenait à ce que le cimetière s’étende près de l’église ou, encore mieux, tout autour.

Les défunts restaient ainsi associés aux célébrations de la communauté des vivants, surtout là où on avait pratiqué, dans le mur du chœur, une petite fenêtre ronde appelée « oculus » (œil) donnant vers l’extérieur.

Seulement, au XIe et au XIIe siècle, on a assisté à une croissance démographique importante.

Entre les murs du cimetière s’est déclarée une funèbre crise du logement. La solution consistait à extraire des tombes les ossements dénudés et à les entreposer dans un bâtiment, souvent une chapelle, spécialement destiné à les recevoir.

La tradition évoque un ossuaire des Paysans massacrés à Scherwiller

Le latin médiéval l’appelle « carnarium », d’où « charnier » en français (mais on parle aussi d’« ossuaire ») et « Karner », « Kärner » ou « Gerner » en allemand (avec son synonyme « Beinhaus »), selon les régions.

La chapelle Saint-Pierre, au Mont Sainte-Odile, dont on a retrouvé les vestiges au XVIIe siècle et qui contenait une foule d’ossements, avait dû remédier à l’impossibilité de multiplier les sépultures sur le rocher du couvent.

Mais le « Karner » était habituellement consacré à saint Michel, à qui on attribuait le rôle de « peser » les âmes à leur arrivée devant le Juge Suprême.

C’était le cas, par exemple, à Strasbourg, à l’époque où un cimetière s’étendait le long du côté nord de la cathédrale.

La création d’un ossuaire peut avoir répondu à d’autres nécessités, surtout au XVe siècle, au temps des terribles épidémies de peste noire : les corps parfois enterrés en grand nombre dans une fosse commune, dans l’urgence, en étaient extraits plus tard et les ossements soigneusement rangés.

La tradition évoque un ossuaire des Paysans massacrés par Antoine de Lorraine à Scherwiller, qui aurait porté l’inscription suivante : « Ist es nicht eine grosse Plag/Dreizehntausend in einem Tag » (N’est-ce pas un grand désastre ?/13 000 en un seul jour ! »)

Et c’est sans doute pourquoi on a imaginé, à tort, que les ossuaires visibles de nos jours remontent à la terrible hécatombe du 20 mai 1525. Celui d’Epfig, contre la chapelle Sainte-Marguerite, par exemple, contient peut-être les restes des habitants du village disparu de Gallwiller. Celui de la chapelle Saint-Sébastien, au-dessus de Dambach, ceux du village également disparu d’Oberkirch. Mais rien n’est sûr.

Quant à celui de Valff, il porte un nom qui évoque nettement sa destination de « Karner » dans l’enceinte de l’ancien cimetière : « chapelle Notre-Dame Garnert », comme on le lit sur le panneau qui en indique la direction.

D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 19/06/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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