(A 20 minutes de l’Ermitage du Rebberg)
Qui parlerait de Georges Schmitt s’il s’était contenté de rester coiffeur ?
« G.S.Sch. » : un sigle que les cartophiles alsaciens (et autres !) connaissent bien et qui signifie « Georges Schmitt, Schirmeck ». Pourtant, à sa naissance en 1867, rien ne laissait supposer que le nom de cet enfant de Schwindratzheim et celui de la bourgade bruchoise resteraient liés pour la postérité. En tout cas, il s’est marié en 1892 avec une Schirmeckoise. Sur l’acte d’état-civil, il est porté « coiffeur » en français. Officiellement, à cette époque, les autorités allemandes condamnaient ce mot, qu’il fallait remplacer par « Friseur » ! Mais la vallée de la Bruche jouissait encore, sur le plan linguistique, d’un régime de faveur.
Des touristes, fascinés de franchir la lisière des « Provinces Perdues ».
Il n’aurait sans doute pas réussi à faire vivre sa famille rien qu’en coupant des cheveux et en rasant des barbes. Aussi pouvait-on trouver dans sa boutique diverses marchandises à acheter. Par exemple du tabac. Peu à peu, il s’est mis à vendre les premières cartes postales représentant des aspects de la vallée. Elles étaient éditées outre-Rhin, à Francfort, à Darmstadt. Georges Schmitt a fini par se demander pourquoi il n’en produirait pas lui aussi.
A ce moment, en effet, la carte postale, qui en est encore à ses débuts, fait l’objet d’un engouement grandissant. Déjà, on en collectionne. Le tourisme se développe. Le Club Vosgien – ou plutôt le « Vogesen-Club », fondé en 1872 – entraîne sur les chemins bruchois des groupes de hardis randonneurs. Et n’oublions pas que la frontière, créée par le Traité de Francfort en 1871, attire elle aussi des touristes, fascinés de franchir la lisière des « Provinces Perdues ».
Georges Schmitt se lance et devient peu à peu, du moins à ses propres yeux, « le plus grand éditeur de cartes postales en Alsace-Lorraine ». Il faudrait faire une statistique pour vérifier son jugement, mais il est certain que c’est un des plus féconds et, aujourd’hui, un des plus célèbres.
Son sujet de prédilection, c’est la frontière : au Donon, au Col de Saales, au Hantz, voire à la Schlucht ou à Lafrimbolle. Seulement, il triche un peu. On dirait qu’il a décidé de démontrer par la carte postale que la coexistence pacifique règne entre douaniers français et allemands et que les soldats en manœuvres des deux armées aiment se rencontrer dans l’étroit no man’s land. Il pratique le photomontage : un officier français au milieu des « casques à pointe » ou quelques Allemands parmi des « pioupious » en pantalon garance, souvent agrémentés de drapeaux aux couleurs des deux pays.
Pour les partisans de la Revanche, il y avait là de quoi se faire des cheveux !