Quand Molsheim envoyait son vin au roi d’Angleterre

Les Chartreux procuraient aux fins gourmets de quoi planer au septième ciel. Mais qu’est devenu ce fameux « Finkenwein » qui avait sa réputation jusqu’en Angleterre

L’Ordre érémitique des Chartreux suit une règle qui compte parmi les plus rigoureuses. Pris individuellement, les moines vivent dans une grande austérité. Cela n’empêche pas que chaque communauté, du moins sous l’Ancien Régime, ait pu jouir de revenus substantiels qui lui permettaient, par exemple, l’entretien et la décoration de ses bâtiments, l’enrichissement de sa bibliothèque et, bien sûr, l’aumône.

Ainsi la Chartreuse de Molsheim, fondée dans les dernières années du XVIe siècle, possédait des vignes et la vente de son vin lui procurait de belles ressources.

Le Finkenwein de Molsheim et le « Strohwein » de Colmar au sommet des vins du pays

Le plus célèbre provenait du coteau appelé Finkenberg (Mont des pinsons), ce qui lui valait le nom de Finkenwein. Il était si apprécié que, à ce qu’on prétend, le roi d’Angleterre envoyait chaque année à Molsheim un lord chargé de lui en procurer.

Avec la Révolution française, les moines ont disparu de la Chartreuse, mais les vignes du Finkenberg ont continué à produire le délectable nectar. Témoin un ouvrage de 1802, affirmant que le meilleur vin du Bas-Rhin pousse « dans les parages de la Chartreuse », près de Molsheim. Un autre, en 1807, énumère tout un chapelet de localités viticoles alsaciennes avant de conclure que « le Finkenwein, qui pousse sur un petit terroir près de Molsheim, et le Strohwein, qu’on produit à Colmar et quelques autres lieux à partir de raisins séchés, dépassent en excellence tous les autres vins du pays ». Notons que le « Strohwein » ou « vin de paille » tient son nom du fait qu’on laisse les plus belles grappes étalées sur de la paille pendant plusieurs mois pour les déshydrater, ce qui permet d’obtenir un vin liquoreux.

En 1816, la « Topographie physique et médicale de la ville de Strasbourg » évoque le Finkenwein ainsi que le « vin blanc excellent et très-renommé » de Wolxheim. Un auteur de 1 820 présente, lui, une sorte de triade vinique, souvent reprise par la suite : le blanc de Wolxheim, le Finkenwein de Molsheim et le « Kleber » (sic) de Heiligenstein.

Deux ans plus tard, un « Itinéraire complet du royaume de France… » – car nous sommes en pleine Restauration -, note que Molsheim « donne, sous le nom de Finkenwein, des vins blancs d’un excellent goût, avec beaucoup de sève et un bouquet agréable », tandis que Wolxheim « fournit des vins dits de Riesling qui ont une grande réputation ».

Doublés par le « Clevner » de Heiligenstein

On retrouve le Finkenwein et le Riesling de Wolxheim en tête des vins du Bas-Rhin en 1838, mais ils se font doubler en 1 872 par le « Clevner » de Heiligenstein (qui s’écrit plutôt « Klevener » de nos jours).

A quel moment le Finkenwein est-il passé à l’arrière-plan au point qu’il semble avoir complètement disparu des tonneaux et des mémoires ? Ne l’appréciait-on plus ? Le vignoble a-t-il été détruit ? Peut-être un lecteur nous donnera-t-il la solution.

En tout cas, avec ou sans Finkenwein, à la bonne vôtre ! Et tous mes vœux pour 2015 !

D’après Marie-Thérèse Fisher, le 1er janvier 2015 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace

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