(A 50 minutes de l’Ermitage du Rebbeerg)
L’origine des deux abbesses fait partie des nombreux mythes du Mont Sainte-Odile.
Eux prétendent qu’ils les ont hérités de leur grand-père et le conflit éclate, ponctué de combats violents. L’aîné des Staufen y perd un œil. Frédéric le Borgne, comme on l’appelle depuis, attaque l’abbaye de Hohenbourg, où sont retranchés des partisans de Lothaire, et la laisse ruinée. En même temps, il s’approprie une grande partie de la seigneurie, dont les villes de Rosheim et d’Obernai.
Hohenbourg végète pendant des années. En fait, on ne sait pas grand-chose de cette période peu reluisante pour l’abbaye. Mais voici l’élection impériale de 1152, qui porte au pouvoir le fils de Frédéric le Borgne, Frédéric Barberousse. Celui-ci décide de restituer les biens usurpés et de réparer les dégâts. Il garde cependant Rosheim et Obernai pour lui.
Inventions recopiées à l’infini
De nouveaux bâtiments s’élèvent et la vie religieuse connaît un bel essor, avec deux abbesses successives : Relindis et Herradis (ou Herrada, selon les manuscrits), cette dernière étant surtout connue à cause de l’ Hortus Deliciarum. L’historien honnête doit reconnaître qu’on ignore l’origine de l’une et de l’autre. Des intellectuels de la Renaissance ont toutefois fabriqué à chacune, à partir de raisonnements erronés, un passé et une famille. Et, depuis, ces inventions sont recopiées à l’infini.
Ainsi, on a voulu que Relindis soit une cousine de Barberousse, bénédictine du monastère de Bergen en Bavière, et qu’elle ait introduit à Hohenbourg la règle canoniale. Quelle bizarrerie que de prendre une bénédictine pour former des chanoinesses ! C’est comme si on envoyait un rugbyman former des basketteurs !
Le verbe latin « informavit », qui a été traduit par « a introduit », signifie en réalité « a restauré ». Car Hohenbourg suivait déjà la règle canoniale au Xe siècle. Assurément, celle-ci devait avoir un peu faibli depuis une vingtaine d’années et il fallait lui rendre vigueur.
L’abbesse suivante est encore couramment appelée Herrade de Landsberg, bien qu’on sache depuis longtemps qu’elle n’a rien à voir avec la famille ou le château de ce nom.
Le romantisme a brodé là-dessus. Et les éranthes d’hiver qui fleurissent parmi les ruines sont devenues des « Herradsbluemle » (« petites fleurs de Herrade »).
Comme quoi, les légendes ne naissent pas toujours dans les chaumières. Et elles ont la vie dure !
D’après Marie-Thérèse Fischer, publié le 08/05/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.