Sans ce jeune érudit alsacien, mort à 29 ans, l’Amérique n’aurait peut-être pas été l’Amérique !
Mais les humanistes du XVIe siècle, eux, sont des érudits férus de culture antique, pour qui la littérature et les sciences ne constituent absolument pas des domaines opposés et qui, tout en se délectant de latin ou de grec, sont parfaitement ouverts aux nouvelles découvertes. Ringmann rencontre de tels savants à l’université de Heidelberg et à Paris ; il les fréquente, il devient l’un d’eux.
En 1503, le voici revenu en Alsace.
Ces vers ne passent pas inaperçus
C’est l’époque où se répand le récit d’Amerigo Vespucci, qui raconte son expédition à la découverte du Nouveau Monde. Deux ans plus tard, Mathias en réalise une édition en latin et lui adjoint, en guise de préambule, un poème de sa composition. Ces vers ne passent pas inaperçus chez Vautrin Lud, chanoine de Saint-Dié.
Celui-ci a déjà réuni autour de lui un groupe d’érudits, qu’on appellera « le Gymnase vosgien ». Il peut être utile de souligner que, avant la Révolution, « vosgien » ne peut en aucun cas se référer à un département. Le nom « Vosges » s’applique alors uniquement à la chaîne de montagnes. Les membres de la docte équipe de Saint-Dié ne sont d’ailleurs pas tous Lorrains et elle compte même un Souabe, Martin Waldseemüller, éminent cartographe. À l’invitation de Vautrin Lud, Ringmann les rejoint. C’est là qu’il adopte, pour signer ses œuvres, un pseudonyme gréco-latin : Philesius Vogesigena.
En 1507, Waldseemüller achève la réalisation d’une carte du monde connu à l’époque et l’équipe en accompagne la publication d’un petit ouvrage intitulé Cosmographiae Introductio. Sur la carte et dans le livre, le Nouveau Monde s’appelle pour la première fois « America ». À vrai dire, seulement sa partie sud, le nord portant la mention « terra vuida incognita » (« terre vide inconnue »).
Un Alsacien parmi les « parrains »
Qui a choisi le nom d’« America », évidemment formé sur le prénom d’Amerigo Vespucci ? Selon les uns, Waldseemuller lui-même. Selon d’autres, Mathias Ringmann. Pour d’autres encore, il résulte d’une concertation au sein du Gymnase. Dans la mesure où, de toute façon, Ringmann a participé à la publication, on peut dire que, si Saint-Dié se proclame officiellement « marraine de l’Amérique », il y a eu un Alsacien parmi les « parrains ».
On hésite sur son lieu de naissance. Un de ses poèmes parle de la rivière qui longe son village paternel : « Scara » (la Scheer). Mais le « village paternel » est-il le « village natal » ? « Vogesigena » signifie « né dans les Vosges » : à quel flanc de montagne ou dans quelle vallée ? Un blason portant une branchette de chêne, au frontispice d’un de ses ouvrages, évoque celui d’Eichhoffen et on en a déduit qu’il voulait par là signifier son lieu d’origine. Eichhoffen ? Et pourquoi pas ?