Une fortune durable

(A 50 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

A travers six régimes politiques successifs, ce Wasselonnais est resté l’un des plus riches de sa ville.

Le visiteur du Musée de la communication en Alsace, à Riquewihr, peut y rencontrer, au mur d’une salle, le visage d’un personnage cossu, au cou épais engoncé dans son col. Près du portrait, un petit écriteau livre son nom : Jean Buirel, maître de Poste à Wasselonne, né en 1748 et mort en 1827.

A vrai dire, il ne s’appelait pas Buirel dans sa jeunesse, mais Buerel. A la fin de l’Ancien Régime, il tenait à Wasselonne l’auberge du Cygne. Pas une de ces petites « Kranzwirtschaften » (« auberges à couronne »), que signalait simplement une couronne de pampres, de chêne ou d’autres végétaux, et où on ne pouvait commander que de la boisson. Non ! Au Cygne, on proposait aussi au client de quoi se restaurer – des plats chauds ou froids – et l’établissement se repérait à son enseigne, qui lui valait d’être classé dans les « Schildwirtschaften » (« auberges à enseigne »).

Aucun Wasselonnais n’a plus de domestiques que lui

Voici qu’éclate la Révolution française, qu’on a parfois tendance à schématiser en révolte des pauvres contre les riches, alors que des gens comme Robespierre, Danton et autres, n’étaient pas vraiment issus de milieux défavorisés.

Jean Buerel, un des Wasselonnais les plus nantis, s’accommode fort bien des idées nouvelles et adhère à la Société des Amis de la Constitution de sa ville. Dans le cadre de la vente des « biens nationaux », lorsque le château est mis aux enchères et que le maire de Wasselonne l’acquiert en fait pour la commune, l’un des deux aubergistes qui se portent garants est Jean Buerel.

Le Directoire (1795-1799), le Consulat (1799-1804) et l’avènement de l’Empire amènent leur cortège de bouleversements politiques, voire économiques, sans que la fortune de Buerel semble mise en danger. Au contraire, il est devenu entre temps maître de la Poste aux chevaux, qui assure le transport non seulement du courrier, mais encore des personnes et des marchandises. En 1807, il devient également le premier « fermier » de l’octroi. Il est donc chargé d’assurer le prélèvement de la taxe que la municipalité a décidé de lever sur l’entrée de certaines marchandises dans la ville, comme le schnaps, le bois de chauffage, la bière, le vinaigre… On le voit, en outre, à la tête d’une entreprise de transport fort lucrative qui mène des chargements de pierre et de sel jusqu’en Moyenne Alsace. Aucun Wasselonnais n’a plus de domestiques que lui !

Dans la même période, Buerel a changé son nom en « Buirel », par souci de faire plus « français ».

L’année où Napoléon s’embarque pour son exil à Sainte-Hélène, Jean Buirel se fait construire une grande maison qui existe toujours, route de Strasbourg. Il mourra sujet de Charles X.

D’après Marie-Thérèse Fischer,  publié le 18/09/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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