Au musée de Bouxwiller (1h. de l’Ermitage du Rebberg), la salle consacrée à Marie Hart comporte des meubles et des objets en provenance de sa famille
Les villageois ne se doutaient certainement pas que Mme Kurr serait un jour, sous un autre nom, une célébrité de la littérature dialectale.
Ces gens-là ne sont pas du coin. Madame est la fille d’un pharmacien de Bouxwiller, où elle est née en 1856. Elle a reçu à Strasbourg une formation d’institutrice, qu’elle a achevée à Nancy en 1874, puis elle est partie enseigner deux ans à Dresde, comme répétitrice de français. Là-bas, elle a commencé à écrire des nouvelles.
La vie du couple ne ressemble pas à une idylle
Or elle avait un cousin, Charles Hartmann, médecin à Lutzelhouse. C’est là qu’elle a rencontré son futur mari : Karl Alfred Kurr, un officier wurtembergeois, ce qui ne pouvait que déplaire à Papa Hartmann, fervent francophile.
Pour comble, il avait quinze ans de plus qu’elle et il était divorcé. Elle l’a néanmoins épousé en 1882 et ils sont allés vivre dans le Vorarlberg. Mais la vie du couple ne ressemble pas à une idylle : Karl Alfred ne vit que pour l’équitation et, surtout, pour la chasse. Marie-Anne continue d’écrire.
En 1885, les Kurr déménagent et viennent s’installer à Lutzelhouse, où Monsieur peut continuer à chasser.
Dix ans plus tard, on retrouve la famille en Bavière, à Freilassing. Sous le pseudonyme de « Marie Hart », Marie-Anne commence sa vraie carrière d’écrivain, en allemand et surtout dans le dialecte de son Pays de Hanau natal. Ses nouvelles paraissent dans diverses revues alsaciennes. Elle compose aussi une pièce de théâtre, D’r Stadtnarr , jouée en Alsace dès 1907.
L’année suivante, la situation des Kurr devient catastrophique. Karl Alfred, à qui sa fortune permettait de vivre de ses rentes, a dilapidé son bien.
Pour ne pas perdre la face, il envisage tout bonnement que toute la famille se suicide ! La solution de Marie-Anne est plus raisonnable : revenir en Alsace, vivre à Bouxwiller et y ouvrir, avec une de ses sœurs, une pension pour collégiens où elle propose en sus des cours de soutien. Et elle continue de publier, ce qui met, comme on dit, un peu de beurre dans les épinards.
Une vie très pauvre
Mais voici la Première Guerre mondiale et, en 1918, après l’Armistice, les fameuses commissions de triage qui classent les habitants de l’Alsace en quatre catégories, selon leur origine. Karl Alfred, Allemand « de race », classé D, est expulsé. Sa femme le suit en exil à Liebenzell, dans la Forêt-Noire. Ils y mènent une vie très pauvre, soutenus par des amis et de la parenté.
Cette période de déceptions et de luttes transparaît dans des ouvrages poétiques que Marie Hart signe en 1921 et 1923.
Au printemps 1924 meurt à Liebenzell, usée par le chagrin, celle qu’on compte aujourd’hui parmi les grands noms de la littérature alsacienne.