Vin d’Andlau contre fromage d’Étival

(A 30 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

 

La situation de l’abbé d’Etival aurait eu de quoi réjouir les féministes d’aujourd’hui.

Rappelons d’emblée que l’impératrice Richarde, au IXe siècle, n’a pas attendu d’être répudiée par Charles III le Gros pour fonder l’abbaye d’Andlau, et que l’histoire de l’ourse qui aurait gratté le sol pour lui en indiquer l’emplacement appartient à la catégorie des jolies légendes. Le val d’Eléon, comme on appelle le site du futur monastère, faisait partie des biens personnels de Richarde. Répétons aussi que, contrairement à ce que suggèrent certains vitraux d’églises alsaciennes, elle n’a jamais pris le voile. 

Pour recevoir l’agrément de l’abbesse

La meilleure preuve que la fondation d’Andlau remonte au temps où le couple impérial ne s’est pas encore désuni, c’est que Charles le Gros, siégeant à Sélestat en 884, offre à cette abbaye… un autre monastère, celui d’Étival (Vosges). De ce fait, le prévôt des religieux d’Étival ne pourra être réellement investi de sa charge qu’après s’être déplacé en Alsace pour y recevoir l’agrément de l’abbesse. Le règlement ne change pas lorsque, en 1146, le monastère vosgien est agrégé à l’Ordre de Prémontré : l’abbé élu devra toujours quérir l’approbation de l’abbesse d’Andlau. Les choses se corseront un peu pour lui après 1178, car il sera tenu, une fois cette formalité achevée, de se présenter ensuite à l’abbesse du Mont Sainte-Odile pour être investi par celle-ci du bien de Saint-Gorgon. On imagine qu’un homme du XIIe siècle n’aura pas forcément trouvé agréable d’aller s’incliner successivement devant deux femmes avant de devenir pour de bon le chef de sa communauté.

En outre, tous les ans, pour la Saint-Pierre, donc le 29 juin, l’abbé d’Étival se trouve dans l’obligation de célébrer la messe solennelle à Andlau. Et si l’abbesse se rend à la cour impériale pour les affaires de son monastère, il doit l’accompagner, sauf cas de force majeure.

Douze fromages

Lui et ses religieux ne disposent que d’un tiers du ban d’Étival, les deux autres appartenant entièrement à Andlau. En 1172, l’abbesse Hawide lui cède ces deux parts contre une redevance de 40 livres par an en monnaie de Strasbourg. En revanche, un conflit va surgir à propos de l’église Saint-André d’Andlau. Celle-ci, en 1114 et en 1140, apparaît comme une possession d’Étival, avec toutes ses dîmes. Or, dans la seconde moitié du XIIe siècle, les dîmes sont encaissées par l’abbesse, qui verse en compensation à Étival quinze mesures de vin par an.

En 1437, l’abbesse Sophie d’Andlau ayant refusé de payer, l’abbé porte plainte. À la suite d’un arbitrage, elle est contrainte de continuer à fournir le vin « bon et suffisant », l’abbé s’engageant à lui envoyer en retour douze fromages « bons et suffisants » aussi. En 1685, cet échange de redevances prendra fin.

Et l’abbé d’Étival n’ira plus recevoir l’investiture à Andlau.

D’après Marie-Thérèse Fischer,  publié le 08/01/2014 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

 

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