Westhoffen et les Ethiopiques

(A 25 minutes de l’Ermitage du Rebberg)

Qu’est-ce qui relie une bourgade alsacienne et un roman de l’Antiquité grecque ?

Il était une fois, au IIIe ou au IVe siècle, à Emèse (aujourd’hui Homs), un Syrien nommé Héliodore. Il écrivait en grec. Son ouvrage Ta Aithiopika ( Les Ethiopiques ) relate une histoire extrêmement compliquée, celle de deux jeunes gens presque parfaits, le beau Théagène et la belle Chariclée, à la fois brûlants d’amour l’un pour l’autre et soucieux de rester absolument chastes jusqu’au mariage.

Heureusement, le recueil ne tomba pas entre les mains d’un ignare !

Le récit est riche en coups de théâtre et en situations romanesques telles que naufrage, enlèvement par les pirates, attaque de bandits, danger d’être sacrifiés aux dieux ou de devoir épouser quelqu’un d’autre, etc. Dès sa naissance, le destin de Chariclée est marqué par l’extraordinaire : fille du couple royal d’Ethiopie, donc de parents noirs, elle a la peau blanche parce que sa mère, au moment de sa conception, regardait un tableau représentant la blanche Andromède ! Elle est donc abandonnée, pour que la reine ne soit pas accusée d’adultère… Ce roman connaît un énorme succès dès l’Antiquité. Et après aussi.

Il était une fois, à Buda en Hongrie, un exemplaire des Ethiopiques dans la bibliothèque du roi Mathias Corvinus, qui fut pillée en 1526. Heureusement, le recueil ne tomba pas entre les mains d’un ignare. Et le texte d’Héliodore fut imprimé à Bâle en 1532.

Il était une fois, vingt ans plus tard, un jeune noble polonais, Stanislas Warschewiczki, à la fois versé en grec et en latin, qui réalisa une traduction latine du roman. Celle-ci parut également à Bâle.

Il était une fois un jeune Saxon, Johannes Zschorn, qui s’est retrouvé, Dieu sait comment, à Strasbourg. Or voici que, en 1556, on crée à Westhoffen un poste de diacre et de maître d’école. Zschorn apparaît comme le candidat idéal : érudit, musicien, pieux et de bonnes mœurs. Que vouloir de plus ? Il est embauché et restera à Westhoffen jusqu’à sa mort en 1560.

Qu’est-ce qui a pu lui donner l’idée de traduire en allemand les « Ethiopiques » à partir de la version latine de Warschewiczki ? Certainement le caractère vertueux des principaux protagonistes. Car le titre (à lui seul un roman !) en fait grand cas : « Une belle et aimable histoire, qui parle d’un héros magnanime de Grèce et d’une jeune fille de toute beauté, fille d’un roi des Maures noirs (le jeune homme s’appelant Théagène et la jeune fille Chariclée), histoire dans laquelle sont décrits discipline, honnêteté, bonheur et malheur, joie et peine, de même que beaucoup de bons enseignements. Traduite du grec en latin et maintenant transcrite en allemand, tout à fait divertissante et utile à lire » !

Et c’est ainsi que le nom de Westhoffen, lié à celui de Johannes Zschorn, apparaît dans des ouvrages d’histoire de la littérature.

D’après Marie-Thérèse Fischer,  publié le 12/06/2013 dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.

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